Japon en uniforme.


À partir de la maternelle, les petits japonais et petites japonaises sont en uniformes. Cela va du chapeau "bob" jaune l'ors qu'encore tout jeune et sortie, au costard réglementaire. Bien sûr, après la pause universitaire, cela continue, puisque dans la vie active et de bureau, le costume noir / gris foncé est de rigueur. Si vous croisez un costume clair ou un casual-wear, c'est soit un patron excentrique, soit un indépendant. Le reste ? c'est bien connu : retraités, chômeurs, otakus, femmes au foyer.

Et ?

C'est assez peu comparable, par exemple, avec le précédent anglais. Un des soucis principaux de la société japonaise, est que le clou ne dépasse. C'est un lit de Procuste — pardon pour la métaphore éculée — qui coupe les idiots et les génies : pas un clou ne doit dépasser, ni dessous ni dessus la planche. Les gens de talent s'exilent ou sont encensés posthumes, les idiots sont condamnés aux jupes de maman. Enfin bref.


L'uniforme marque l'appartenance à un groupe et à un sous-groupe (le corps salarial, le lycée, etc.), chose d'importance première, et le remarquable, remarqué ou loup solitaire, est systématiquement ostracisé et persécuté. Il est moyen de reconnaissance.

L'uniforme est de ce fait aussi un moyen de contrôle et de régulation des comportements.
Certes il varie— restons au scolaire — selon l'établissement et le degré d'avancement dans le système ; mais c'est pour mieux surveiller les mœurs des élèves hors les cours : on sait de suite, si un tel ou une telle traîne dans la salle d'arcade tard le soir, d'où il ou elle vient — d'où les brigades d'enseignants, auxquelles il est parfois encore obligatoire de participer, qui sillonnent les centres-villes après les cours.

L'uniforme est aussi, bien sûr, moyen d' "uniformisation". Cela concerne le vêtement, mais aussi la tenue générale. Les règlements sont plus ou moins stricts — selon l'établissement et la rigueur ou le j'm'en-foutisme les profs— quant à la coupe et à la couleur des cheveux, le port de la cravate ou du nœud, la longueur de la jupe, la permission de porter accessoires et boucles d'oreilles, etc. Le "public" est réputé pour être plus laxiste que le "privé".
Le "jeu" dans la règle va donc porter sur ces détails — déviance elle-même organisée, qui permettra la reconnaissance de l'appartenance à un autre sous-groupe : les bûcheurs, les cools, les rebelles, et que sais-je. On jouera sur la longueur des chaussettes (rappelez-vous la période long socks), la teinte plus ou moins surréelle des cheveux, col plus ou moins ouvert sur décolleté, pantalons trop longs trop larges portés sous la taille...
À l'inverse, une couleur naturelle de cheveux un peu trop claire peut se solder par une convocation dans le bureau du directeur et l'injonction de teindre le tout en noir bien "japonais" — ce qui a lieu si les parents se plient au caprice : le japonais reste faible face à l'autorité, même si le règne du client roi (l'enfant, le monster parent) gagne du terrain dans l'éducatif.

Ceci dit, le port obligatoire de l'uniforme a au moins cet avantage, que la concurrence pour les fringues de marques ne sévisse à l'école, donne un répis au portefeuille des parents, qui sont déjà par ailleurs mis à sec par leurs bambins via les consoles et téléphones portables, les accessoires de marques, etc. — on se rattrape comme on peut pour se distinguer et former des sous-groupes.


C'est un moyen de reconnaissance, disait-on tantôt. Eh bien il permet aussi de mettre une forme sur la jeunesse. Sous l'uniforme se cache sans aucun doute un corps jeune. Désirable. Argh, interdit sociétal. Fixation.
D'où les fétiches correspondants, n'est-ce pas.
Dans certains lieux d'initiés et recoins d'internet, un uniforme se peut vendre très cher. Un peu comme une culotte qui a déjà été portée par une à peine nubile — ou carrément pré-pubère.
Les adultes sont par ailleurs coupables, à dessiner ces modèles de jupes ras-les-fesses, dont le port est rendu obligatoire par les établissements et vote, et les parents, pour, la plupart du temps, à trouver cela "normal".

Ceci dit en passant.

D'autres avis sur le sujet ?

9 commentaires:

lolo a dit…

Bah, si c'est si court, c'est pour qu'ils/elles se pèlent les miches en hiver, non ? C'est pas du lubrisme, c'est juste du sadisme !

Sinon, ces fameux uniformes, n'est-ce pas le moyen de faire que "le clou ne dépasse pas" dans la forme tout en permettant une certaine indépendance sur le fond ? Non, hein ?... Ouais, c'est bien ce que je pensais...

Lionel Dersot a dit…

C'est le parcours classique d'être révulsé ou mal à l'aise avec l'uniforme. Pourtant, l'uniformisation commence dès la garderie et sans uniforme. C'est l'apprentissage de la vie de groupe qui ne tolère pas les écarts. On ne peut pas - au bout du compte - émettre une opinion d'occidental sans se demander pouquoi cette tenue interpelle. Après tout, les écoles d'autres pays ont souvent des uniformes, et typiquement les écoles anglaises de la haute. Et puis l'uniformisation n'est pas nécessairement imposée par les adultes. Ecoutez cette conférence de la cité des sciences sur les ados - les autres du même cycle valent le détour. Les garçons ne m'y sont pas sympathiques du tout avec leur conformisme sans uniforme sinon que dans la tête.
http://www.cite-sciences.fr/francais/ala_cite/college/v2/html/2008_2009/conferences/conference_544.htm

n a dit…

Les gamins et gamines s'en accommodent et en jouent dès qu'ils peuvent / osent penser altérer la norme — sous-mouvement de groupe.

Opinions de filles locales : "Je veux aller dans ce lycée, ils ont un uniforme trop mignon" ; "Tu ne trouve pas que c'est bien plus chouette avec le col ouvert, sans le nœud ?" (décolleté en vue). Chez les garçons : "C'est trop naze" ; "On n'y peut rien, non ?"

L'uniformisation n'est pas imposée par les adultes (jeune âge mis à part) : c'est la volonté d'intégrer un groupe qui tord mentalités et corps : l'uniformisation vient de soi. Logique et dynamique du groupe, quel qu'il soit, dans quelque pays que ce soit — rien de très-sorcier, ni d'exotique. Imitation, répartition des rôles, &c.

L'époque collège-lycée est, de ce point de vue, toujours un modèle auto-généré et auto-réglé de la société "adulte" — en pire.

Spécificité japonaise, peut-être : à ne jouer le jeu du / d'un groupe, on s'expose à de peu agréables représailles.

Regain de sentiment à croiser un(e) collégien(ne) ou lycéen(ne) disposant d'un avis sur la question — qui a souvent choisi de travailler à la maison. Autre conséquence qui ouvre d'autres questions.

En Angleterre : démarquage social et affiche d'un quelque prestige ?

Anonyme a dit…

J'ai parfois un peu de mal a saisir la logique des collegiennes d'a cote, qui l'autre matin, bramaient a grand coup de "ano ojijin, SAAAAA..." une histoire de vieux ayant pince la culotte de l'une des copines, qui fuliminait souvent les hommes, tous des pervers degeneres, tout en arborant une jupette au moins remontee de 7 tours (ca s'enroulle a la taille, ces trucs...).

Masochisme ? Provocation ? Lolitisme ? victimisation volontaire ? inconscience ? betise ? tout en meme temps ?

n a dit…

Le minaudage inévitable y est pour beaucoup, m'est avis.

Aussi, le port féminin est avant tout une adresse aux autres filles, non aux garçons.

Et puis, elles ont la tête pourrie par la télé et les romans à l'eau de rose.

Cf. le lien fourni par M. Dersot : quelques éléments à ce propos aux trois-quarts de la conférence — par ailleurs sans surprise.

L'enroulement à la taille, c'est du vérifié de première main ? Je n'avais pas remarqué ; )

Anonyme a dit…

Esque que ses obliger de porter un uniforme au college japonnais de tokio ou autre ville ?

n a dit…

L'uniforme est de rigueur, oui !

Anonyme a dit…

Merde, j'avais oublié de donner suite. Oui, c'est vérifié avec une de mes élèves...verbalement, s'entend...

Non, cher N, certaines écoles sont libres ! Mais elles sont très rares.

n a dit…

; )

Salut Senbei

Depuis, j'eus l'occasion de vérifier par moi-même, visuellement, s'entend — une collégienne dans le train, juste après la sortie de cours j'imagine, qui se préparait à aller s'amuser, et donc remonta sa jupe de quatre crans, et se plâtra la figure dans le même mouvement — dommage, elle était jolie, avant le maquillage. Eh.

Comme je disais, c'est de rigueur = c'est la règle, la chose habituelle. Il est, comme tu écris, une paire d'écoles avant-gardistes, alternatives, parfois internationales (américaines, chrétiennes ou autres), &c., chez qui la tenue n'est imposée ; est-ce une bonne chose ? je ne sais !