Le Japon des Villes


Vendredi matin.

En presse constante, comme tous jours ces derniers temps ; mais perdons un peu de temps ici.

Correctement irrité et remonté en diable : après la télé, c'est la machine à air conditionné qui réussit à faire son chemin chez moi. Merci la belle-mère et la copine.

Allez, généralisation outrancière et chronique satirique ; mais je m'en tape : ça défoule. Outré ? pas content ? c'est le même prix :


Il faut croire que les Japonais des villes sont devenus une peuplade faible, une assistée permanente. Un peu comme un vieil asthmatique tabagiste qui ne pourrait plus se passer de sa bouteille d'oxygène. L'assistance comme une drogue. Éléments de caricatures ? incapables de se passer de coiffeur-esthéticien, et d'air conditionné. Merci les jeunes et moins jeunes ridicules aux tifs teints engommés, l'A-C à fond les ballons toutes portes ouvertes. Je demande aux plus ou moins vieux comment ils faisaient il y a vingt, trente ans, cinquante ans — Ah ben oui, mais maintenant tu vois. Ouais, ouais, je vois, je vois, et prend note.


Je veux bien concevoir que c'est un peu partout pareil — ce foutu modèle consommateur amerloquain — ; mais le Japonais moderne ne semble être obnubilé que par la course au confort et l'argent. Rien ne bouge : vivre dans une bulle, protégé de tout ce qui n'est pas soi, qu'on dorlote en pensant nostalgiquement au temps merveilleux de la petite enfance, ou d'il y a cinq minutes. Entuber le plus de monde possible, et se gargariser de s'être fait avoir, sans le savoir. Et ces jeunes femmes et mamies qui se goinfrent et dansent en couinant Oishii. Tsss.

La légende qui rapporte que chaque salaryman se prennent en secret pour Musashi me fait bien rire. Il est grand temps que je me mette à cette Chronique du Gambaru, qui me trotte en tête depuis quelque temps. Ajouter à ça qu'on ne croise que rebelles à la noix ou femmelettes aux sourcils rasés.


Une vraie épidémie ne ferait peut-être pas de mal. Un petit tri, comme dans ces placards où l'on entasse les choses. Ici tout ce qui a plus de deux ans — allez : six mois — finit à la poubelle : 'faudrait peut-être appliquer la formule à ceux qui l'appliquent. Un petit tri, je vous dis.

En attendant, le Japon des villes, c'est la Grande Comédie, l'Opéra-Bouffe, où tous les archétypes de Molière, de la Précieuse Ridicule à l'Harpagon, se sont donnés rendez-vous, pour ne se parler pas, ou parler trop fort — pour ne rien dire, n'est-ce pas.


Allez, versons dans le dualisme littératruc de rigueur — c'est tellement plus confortable de naviguer dans des eaux sûres, chemins rebattus, et petites platitudes irréflexives —, sauf que, mieux que le Japon des villes "entre tradition et modernité", j'y vois plus un mélange malsain d'archaïsmes et de superfluité.

Enfin bref, reste le Japon des campagnes — pardon : des montagnes —, où tout, peu à peu, sûrement, pourrit aussi, juste moins vite.

C'est grand dommage, tout cela. Du gaspi, de l'ordure, de la perte. Mais que voulez-vous qu'on y fasse, ma bonne dame, hein ?


J'espère sans conviction aucune qu'une paire de Japonais — ou, à défaut, de transis du Japon francophones — lisent ces pages, histoire d'avoir un échange de commentaires un peu animé. Mais vu le niveau de français des profs d'université — sur Osaka tout au moins —, je ne rêve pas quant au niveau des élèves. Et pour les autres, on verra.

Et puis non, puisque de toute façon parler ne sert à rien, et qu'on ne convainc jamais personne : on ne veut, pense et fait que ce qu'on peut. Ça vaut aussi pour votre serviteur, qui se glorifie toutefois de pouvoir tout comprendre. Comprendre n'est pas Approuver ; Approuver n'est pas Comprendre. Ayez quelques milliers de masques et de façon de penser en réserve : on en reparlera.

C'est brouillon et décousu, je vais passer pour un foutu teigneux égotique ; mais comme je disais tantôt, je m'en tape, et ça défoule. Remarquez que je ne cite personne.

Tiens, parodions Viallatte, qui a, lui, toute ma sympathie. Et c'est ainsi qu'Haram est grand.


Car la viande noire fait la nique aux crocs, madame.

6 commentaires:

lolo a dit…

"Un foutu teigneux égotique" ? Ah, non non, pas du tout. Pour tout dire, ça me fait autant de bien à te lire que ça a dû t'en faire à l'écrire : c'est rafraichissant comme bonne pluie d'orage dans l'aridité (relative) du reste des billets de ton blog (si je peux me permettre ce petit jugement de valeur...).

Mais maintenant... Maintenant... Une fois que ce constat est fait, et qu'on sait qu'il y a peu d'espoir que ça évolue dans le bon sens, on fait quoi ? C'est ça l'intéressant. Comment d'un "mal" on peut arriver à en faire un "bien" ? Ta compréhension doit servir ton action.

n a dit…

Aride, oui. En d'autres temps, j'eusse été moine-soldat ! Ça répond à ta question.

Anonyme a dit…

La question que je me pose parfois, c'est jusqu'où peut-on porter le défoulage sans que ça ne devienne malsain.
Non pas que l'interrogation concerna ce post, bien au contraire, mais pour ce qui est des miens, je dois être giri-giri.

Pour reprendre Lolo, c'est frustrant de comprendre certaines choses sans avoir quoique ce soit à changer, parce que ni la remise en cause ni la discussion n'a de vrai bases psychologiques ici. Et puis, faudrait se sentir l'âme de Don Quichotte...mais Don Quichotte, ici, c'est des magasins discounts, alors...

Fervent partisan d'un micro-anarchisme local et appliqué aux rapports humains comme vecteur de changements sociaux, je désespère parfois un peu sur la lenteur des processus de conversion à la pensée libertaire...Faut les comprendre : une fois libérés, ils deviennent socialement inadaptés. Est-ce ce qu'on espère ? Est-ce là leur rendre service ? La servitude sociétale leur va si bien...

n a dit…

Et puis il ne finit pas diablement bien, Don Quichotte, dans l'histoire...

La conversion à la pensée libertaire, ça fait long que j'ai laissé tomber... La résistance des impératifs sociétaires, éducatifs et parentaux, c'est du béton, même dans les bonnes pates : on ne change que qui est prêt à changer, qui ne peut vouloir, veut et fait que ce qu'il / elle peut ; et ça, c'est une autre affaire... Attendre les bonnes personnes ; je désespère d'en rencontrer, ces derniers temps. 'Faut dire que je ne sors pas des masses non plus.

Et "conversion", je ne sais pas : ce n'est tout de même pas un culte : ce serait passer d'une religion à une autre, ce qui ne me plaît pas trop, comme idée. (Je sais, je pinaille ; et vois tout de même plutôt bien ce que tu veux dire.) Si l'on pouvait, par l'échange, au tour de soi, juste ouvrir quelques portes et fenêtres, ce serait déjà un grand pas.

Possible aussi, que dans ce mouvement et aspiration, on souhaite seulement aménager son monde à sa mesure : une sorte de néo-colonialisme ? Tu me diras, c'est ce que tout le monde fait de toute façon... Mais il y a probablement autre chose.

Et si tout le monde devient socialement inadapté, la question ne se pose plus ! : ) Mais d'ici là, si tant est que, il y a loin...

D'autres choses à dire encor, et à entendre ; mais là 'faut que je file !

Salutations, senbei.

Anonyme a dit…

C'est vrai que le mot de conversion est malhabile...d'autant que le japonais plie mais ne rompt pas facilement, alors convertir, dame !

En fait, c'est que pour les gens que j'apprécie vraiment et qui ont déjà entamé un processus de changement que j'ai envie de pousser plus loin.

Mais c'est mal, je me controle tant bien que mal (Papa a eu une éducation jésuite, ça te traumatise une famille, ça).

n a dit…

Comme j'écrivais, je vois bien ce que tu voulais dire — étant dans la même démarche —, le message est passé.

Papa jésuite, diantre ! Le père d'une ex- en était, et, curieusement, ç'a donné un 68tard invétéré (caravane pendant des années, &c.), et des enfants (trois filles et un garçon trop jeune encor) un poil étranges mais libérés (plus que la norme, s'entend). Pour ma part, je fus scolarisé chez les Frères Maristes, qui sont tout de même moins martiaux que les Jésuites — on en revient, pour n'en avoir eu cure.

Ce qui marque probablement le plus un caractère, ce qui en fait le fond et le forge, c'est probablement tout de même le style de vie familial-parental, en particulier ce qui se passe pendant les moments de rassemblement ("répétitions" du moment social par excellence), à savoir principalement les repas, m'est avis. D'autres choses encor, bien sûr. Et là, c'est bien plus dur d'en faire fi. On lutte aussi de son côté.

Fight !

et bonnes vacances à toi — même s'il n'en est vraiment pas assez au Japon.