Chronique d'un suicide annoncé


   C***, 23 ans

C***, 23 ans, travaillait pour une grosse entreprise japonaise de transport qui, après le choc Lehman, vit sa clientèle fondre et dû prendre des mesures radicales pour assurer sa survie : C*** fut victime, comme tant d'autres Japonais, du licenciement économique.

C*** n'avait pas grande économie, préférant dépenser en amusements qui équilibraient le stress causé par un travail difficile aux horaires peu familiaux. Ses parents étant morts dans un accident de la route deux ans plus tôt, lui laissant par ailleurs de petites dettes pour lesquelles il dut vendre la maison familiale, il ne put "revenir au pays", comme il est de coutume chez les Japonais en transition d'emploi.

Après cinq mois de recherches infructueuses, il commença de désespérer, se mit à boire, ne put payer son loyer, fut mis à la porte par un propriétaire peu enclin à la charité — concept occidental s'il en est — et perdit avec son adresse postale, son adresse bancaire et autres maigres prestations sociales.


   C*** : misère, solitude, dénuement.

On le voyait errer dans la galerie marchande ou dans les lotissements autour de la gare d'I***, dans la proche banlieue d'Osaka, à chercher dans les poubelles le moyen de sa subsistance, ou dormir sur le banc d'un parc, sous l'œil désapprobateur et craintif des mères au foyer.

Chaque jour il semblait prendre une année, il maigrissait et les traces de la misère et de l'usure se faisaient de plus en plus nettes sur son visage, ses vêtements.

C*** eut le destin qui menace plusieurs milliers d'hommes et femmes au Japon et dans le monde, placés peu ou prou dans la même et désespérante situation que lui : il se jeta du haut du pont piéton qui enjambe la galerie marchande d'I***, alors même que les hauts-parleurs passaient en boucle des chansons de noël, que les couples joyeux faisaient leurs courses, que les enfants, chaudement emmitouflés, passaient bruyamment en courant à deux pas de lui.

Alors, les gens lui donnèrent, pendant une demi-heure, ce qu'il avait cherché pendant des mois : un peu d'attention. Puis ils retournèrent bien vite à leurs vies plus ou moins confortables, et le souvenir de C*** s'éteignit pour eux après le dîner, durant lequel l'anecdote du suicide d'un clodo fut racontée à toute la famille, qui lui préféra la météo du lendemain.


C*** sur le point de faire le grand saut du désespoir.
Après avoir pris la photo, nous ne parvînmes pas à temps pour le secourir : il nous vit et se hâta, résolu.
Paix à son âme.


Car la viande noire fait la nique aux crocs, madame !

2 commentaires:

Madjid Ben Chikh a dit…

Je vais poster ce billet sur FB, il merite d'etre lu, car il est bien ecrit et les photos sont tres justes.

n a dit…

C***, c'est bien sûr M. Caddie... Le texte est très satirique et parodique (d'un blog franco-japonisant), dans le ton comme dans le traitement — et n'a donc pas vraiment de valeur informative ! ; )