Petits bouts de Pascal, seconde partie.


Suite des morceaux choisis et maigres divagations sur Pascal...

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"Quelle chimere est-ce donc que l'homme ? Quelle nouveauté, quel cahos, quel sujet de contradiction ? Juge de toutes choses, imbecille ver de terre ; dépositaire du vray, amas d'incertitude ; gloire, & rebut de l'univers. S'il se vante, je l'abbaisse ; s'il s'abbaisse, je le vante, & le contredits toüjours, jusqu'à ce qu'il comprenne, qu'il est un monstre incompréhensible." (XXI ; 164)

Joli passage, et étrange conception de l'instruction... Ou quand le penseur rêche sacrifie à l'épigrammisme de l'époque.

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"L'homme est qu'un roseau penchant [pensant]. Il ne faut pas que l'univers entier s'arme pour l'écraser : une vapeur, une goutte d'eau suffit pour le tüer. Mais quand l'univers l'écraseroit, l'homme seroit encore plus noble que ce qui le tüe ; parce qu'il sçait qu'il meurt ; & l'avantage que l'univers a sur luy, l'univers n'en sçait rien.
Ainsi toute nostre dignité consiste dans la pensée. C'est de-là qu'il faut nous relever, non de l'espace & de la durée. Travaillons donc à bien penser. Voilà le principe de la morale." (XXIII ; 174)

Amusante coquille, ce "penchant" au lieu de "pensant" — ou n'est-ce pas une coquille ? car penser, c'est penser de travers, penser à travers soi — le "moy" : cf. première partie. On en reparlera quand le moy ne sera plus, c'est à dire, qu'on n'en reparlera pas.
Ceci dit, la noblesse du penseur, parce qu'il pense, même s'il est détruit, c'est un concept de perdant — ce qui n'est pas sans rapport avec la situation des premiers chrétiens, persécutés. Probablement aussi, parce que Pascal était de faible constitution, et Pascal ?

"Nous avons un autre principe d'erreur, sçavoir les maladies. [...]
Nostre propre interest est encore un merveilleux instrument pour nous crever agréablement les yeux." (XXV ; 188)

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"Cette maistresse d'erreur que l'on appelle fantaisie & opinion, est d'autant plus fourbe qu'elle ne l'est pas toûjours." (XXV ; 183)

Écouter tout le monde, et n'en faire qu'à sa tête.

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"On ne voit presque rien de juste ou d'injuste, qui ne change de qualité, en changeant de climat. Trois degrez d'élévation du Pole renversent tout la Jurisprudence. Un Meridien décide de la vérité, ou peu d'années de possession. Les loix fondamentales changent. Le droit a ses époques. Plaisante jsutice qu'une riviere ou une montagne borne ! Vérité au deça des Pyrrenées, erreur au delà." (XXV ; 185)

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"La coûtume est une seconde nature, qui détruit la premiere. [...] J'ay bien peur que cette nature ne soit elle mesme qu'une premiere coûtume, comme la coûtume est une seconde nature." (XXV ; 191)

Et si la "nature" est également "coutume", c'est dire que l'homme est malléable à souhait, ce qui est presque vrai — car reste le corps. Et si la "coutume" est également "nature", c'est dire qu'on ne peut faire sans ? Je ne sais pas si Rousseau serait d'accord...

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"En écrivant ma pensée, elle m'échappe quelque fois ; mais cela me fait souvenir de ma foiblesse, que j'oublie à toute heure ; ce qui m'instruit autant que ma pensée oubliée ; car je ne tends qu'à connoistre mon néant." (XXVIII ; 248)

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"Je crois volontiers les histoires dont les témoins se font égorger." (XXVIII ; 260)

Ou un bel incipit pour un grand roman policier ?

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