Et les citations, dites-vous ?


Un point commun, qui m'est éminemment sympathique, à Wittgenstein et à Nietzsche : leur j'm'en-foutisme académique.

"je n'indiquerai pas de sources, parce qu'il m'est indifférent de savoir si ce que j'ai pensé l'a déjà été par un autre avant moi." (Wittgenstein, Tractatus &c., Préface.)

"À ceux qui ne veulent ressentir qu'une satisfaction d'érudit, je n'ai pas rendu la chose facile [...]. Les citations manquent." (Nietzsche, Le livre du philosophe, § 161.)

Non sans rapport avec la digestion. Zeitgeist et prétention académique.
Citer les sources, c'est donner aux autres la liberté de n'y aller pas voir par eux-mêmes. Message de Nietzsche : bossez un peu que diable, bande de "castrats" (§ 160) !

Là, je mets guillemets et références, à fin d'éviter qu'on me demande d'où je parle ; mais, guillemets ou pas, ça ne change rien : depuis quand les guillemets édulcorent ou justifient ce qui est pris comme une insulte, sous prétexte que le cité est mort ou célèbre ?

Si je parle : Quel toupet ! ; si je cite : Quelle culture !

Par ailleurs, la célébrité, le piédestal, c'est peut-être effectivement la mort : le dédouanement de réponse, libre d'inconvénients, aux questions formulées par la sensibilité ou la susceptibilité titillée — si tant est qu'elles soient justifiées ?

Bien sûr, guillemets et références sont là également pour éviter l'accusation très-moderne de plagiat. C'est que nos temps sont très-propriétaires. Ceci dit avec toute la connotation péjorative que porte ce mot, due à la pensée naturaliste des XVII-XVIIIe, et à la mythologie dix-neuviémiste utopique ou anarchiste, qui récupère la précédente — je ne parlerai pas de l'apport soixante-huit(at)tard(é). Culture des rentiers de la parole. On obtient ce qu'on mérite, je suppose.

Et comme si nos chers professeurs ne s'attribuaient pas les meilleurs travaux de leurs chers élèves et "disciples"... Combien de castrats pour un Russell, pour filer uniquement l'exemple de Wittgenstein ?

Ceci dit, il faut remercier les guillemets et l'intellectuelle propriété. Oui, merci ! Car ils permettent de contourner la censure et — bien pire — l'auto-censure, de nos temps pudibonds et moralistes de politique correction. Les pamphlets, mazerinades, brochures, livres, &c., polémiques furent souvent publiés sous couvert de rumeur, de pseudonymat, d'anonymat, en presse privée, clandestine, ou autre, à fin d'éviter censure — dont les conséquences étaient autrement plus rudes que de nos jours. C'est que la polémique, c'est la guerre ! et en temps de guerre, pas de quartier, pas de prisonniers.

Mais à présent que la citation dûment référencée permet la grâce ! Diable ! Ordures méséantes et justes frondeurs ont également les mains libres. Retour de bâton. Un catalogue de citations référencées d'insultes à vomir, passerait la barre approbative. On obtient ce qu'on mérite.

C'est probablement sans compter, particulièrement en ligne, sur l'encouragement à la délation : dans un souci de nivellement par le bas, du faux contentement de tous, libre à vous de nous indiquer les pages de contenu "non-approprié" (entendre : à l'excellence de nos services universels et de votre personne, sous prétexte de ne "choquer" pas). Et là, le petit et dictatorial mécontent de la vie jubile : je peux censurer, rayer de la carte, quelqu'un dont les propos me déplaisent, sous couvert de l'anonymat le plus total. En temps de guerre, on les exécutait sans procès, ces lâches lécheurs de bottes ennemies. C'est vrai pour toutes les grandes enseignes d'internet, ces grands fournisseurs de services : ebay, microsoft, google, etc.

On obtient ce qu'on mérite.
Ceci dit en vitesse.
Où va-t-on ? Je ne suis pas pressé de le savoir...


2 commentaires:

Kiji a dit…

Je suis d'accord avec "on obtient ce que l'on mérite" même si je remplacerai le "On" par un "Tu" et j'ajouterai même un "toujours" (c'est jour de fête!)


ps: nous sommes quand même contents d'avoir Blogger pour nous exprimer ;)

n a dit…

Ben oui. Dommage qu'on fasse les frais des (de la ?) bêtises d'une (enfin, j'espère) minorité.